L'événement de cette fin d'année 2006 aura été la sortie de la Wii de Nintendo, console dont, en plus des fonctionnalités liées à sa manette, un des principaux "avantages" est la Virtual Console, autrement dit le fait de pouvoir télécharger et utiliser, moyennant paiement (de 5 et 15€ environ), des jeux 8,16 et 64-bit sélectionnés par Nintendo sur proposition de leurs éditeurs respectifs.
La Xbox 360 propose déjà, avec le Live Arcade, de jouer à certains hits ancestraux comme Joust, Street Fighter II ou Doom, mais la vocation première de ce service n'est pas le retro-gaming, plutôt l'édition de nouveautés à budget restreint (les jeux rétros s'y voient en général modernisés avec l'apport de modes online et d'un lifting graphique). Avec la Wii, on assiste donc pour la première fois à la sortie d'un système qui fait vraiment de la (re)découverte d'un patrimoine vidéoludique un de ses principaux arguments de vente, permettant aussi bien aux joueurs nostalgiques de revivre une partie de leur enfance qu'aux "nouveaux" de se plonger dans les origines de séries dont ils n'ont connu que les derniers opus. Une console peut donc revendiquer pleinement sa capacité à compléter la culture de ses utilisateurs. On peut alors mesurer à quel point, en une dizaine d'année, la manière de considérer le retro-gaming a évolué.
Accessible aux initiés depuis une dizaine d'années sur PC, l'émulation de jeux rétros (qui consiste donc à faire fonctionner des jeux d'une machine quelconque sur un ordinateur plus puissant) est à l'origine le fruit des efforts d'une poignée de geeks, tout aussi heureux de la performance technique que du fait de pouvoir jouer à leurs anciens jeux et en archiver les données. Il faut en effet savoir qu'en ces temps reculés (1994-95), Internet n'étant pas aussi développé qu'aujourd'hui, il était très difficile pour un programmeur de trouver de la documentation technique sur la Super Nintendo, par exemple, qui avec ces multiples chips graphiques et sonores a mis très longtemps avant d'être correctement émulée sur PC (d'ailleurs au jour d'aujourd'hui il y a encore quelques jeux qui posent problème). Il y avait donc une fierté légitime pour un développeur à avoir su reproduire virtuellement le fonctionnement de toute une flopée de microprocesseurs sur un x86. Néanmoins, cette prédominance de la performance technique au dépend de la recherche de facilité d'utilisation par le néophyte a longtemps cantonné les émulateurs au domaine des initiés, au versant "underground" de l'informatique. On retrouve d'ailleurs de nos jours un peu de cette tendance dans le fait que certains partisans du retro-gaming prônent un arrêt de développement de tous les front-end (habillages graphiques pour émulateurs comprenant par exemple des menus de lancement de jeux, de configuration de pads, etc.) afin d'éloigner le grand public de la chose.
Néanmoins, au fur et à mesure du développement d'Internet, le retro-gaming s'est répandu à une population de plus en plus large, principalement d'anciens utilisateurs des systèmes émulés. D'un retro-gaming purement nostalgique, on est peu à peu passé à un retro-gaming culturel, c'est à dire que l'on a commencé à rejouer non seulement aux jeux qu'on avait possédés, mais également à ceux dont on avait toujours rêvé sans pouvoir mettre la main dessus (et dont, grâce à la volonté de certains fans, on a parfois pu profiter dans des meilleures conditions qu'à l'époque, comme par exemple pour Final Fantasy VI qui a été entièrement traduit en français par des fans, alors qu'il n'était même pas sorti dans notre beau pays à l'origine). Cette tendance à la découverte intemporelle a permis l'émergence et le succès de sites comme Grospixels, qui en plus de communauté de joueurs fait office de « catalogues » d'anciens jeux, où l'on pioche des idées de titres à essayer.
L'âge d'or de l'émulation sur Internet aura sans doute été la période 2000-2002, avec une visibilité suffisante sur le net pour attirer un public considérable, ceci allié à la facilité d'utilisation sans cesse accrue des émulateurs. Les fabricants de console ont progressivement vu la chose d'un oeil différent : on se souvient par exemple de la réaction virulente de Sony à l'annonce du premier émulateur Playstation sur Mac. L'émulation étaient donc vue d'un mauvais oeil, mais les marchands des jeu vidéo ne proposaient aucun palliatif sérieux en dehors des quelques tentatives de Namco et sa série des Namco Museum regroupant des jeux d'arcade du début des années 80. Nintendo, de son côté, rééditait régulièrement ses hits sur ses consoles portables, mais on peut difficilement associer cette offre là au phénomène retro-gaming dans la mesure où la sortie de ces jeux ne s'inscrivait pas dans un contexte global de conservation du patrimoine, mais plutôt dans une considération opportuniste de la tendance des acheteurs à racheter au prix fort les jeux les ayant fait rêver étant plus jeune.
Aujourd'hui, la Wii et sa Virtual Console tirent un trait définitif sur de telles rééditions, et nous propose d'acheter des jeux rétros pour ce qu'ils sont vraiment. Leur prix de vente est alors théoriquement calculé sur la base des seules contraintes techniques de leur mise en circulation. Mais en est-il vraiment ainsi ? N'essaie-t-on pas une dernière fois, avant qu'ils soient définitivement classés comme des pièces de musée, de tirer un bénéfice de ces jeux ? Ainsi on arrive à la question de l'utilisation commerciale du retro-gaming : sous prétexte de "conservation du patrimoine" et "d'histoire du jeu vidéo", les éditeurs doivent-ils tirer profit de produits rentabilisés depuis parfois plusieurs dizaines d'années ?
Dans un monde où la valeur d'un objet se mesure uniquement à son coût, peut-être est ce la seule manière de convaincre le grand public de la valeur des vieux jeux...
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire